EDC de 57233

Il sort de l'Université, la simili-peau des paumes entachée de cambouis crasseux et va l'amble mécaniquement en orientant ses pas dans l'épaisseur du smog. Après cent mètres à écraser l'ashpalte d'un talon faussement désinvolte, arrivant ingambe sur le point de fouille de la Haute-Ville, il fige ses pieds dans une glaise dure, plic-ploquant sous les gouttes acides, égarant sur l'horizon son pâle et glabre visage. Il recentre sur ses axes le fatras enchevêtré de son corps et de son masque pour marquer un temps d'arrêt. Ses chevilles sans malléoles opposent aux vents d'un mâle Eole une résistance de piquets droits, servant d'assises au robot froid. Animé par un réflexe, d'un mouvement brusque il génuflexe, jusqu'à heurter l'enrobé bitumeux. Il leste au sol un sac plein qui carillonne, cèlant les fruits d'antérieures collectes. Penché vaguement sur l'ouverture, il tend ses bras à l'écho sourd vers un boîte de laquelle sourdent l'amer parfum et la brillance de cristaux fins. Pivotant sur son genoux, il éloigne de son barda l'appareil éteint qu'il enlace puis, d'un geste cliquetant, dépose l'inerte engin près d'une cavité convexe, érodée par les glâneurs qui l'ont précédé. Un rang de doigts échappe à son poing et un digital éclaireur tendu accoure près d'un interrupteur. Fermé d'une pression, le circuit électrico-farin alimente le ronron du moteur encrassé qui embaume la poussière et englobe d'un éclat bleuté le droïde agenouillé. La main a pris du repos sur sa cuisse arquée. Le torse a mimé le ressac d'une respiration organique. Le corps se redresse et les articulations travaillent en tintinabulant jusqu'à ce qu'il toise d'un oeil atone cette étendue aux reflets bruns, fractalement montagneuse et macroscopiquement plate, terrain las qu'il va creuser pour un cristal émietté. Dans un silence assourdissant, brisant de sa silhouette saillante la candeur du jour levant, il râcle et foule en solitaire, l'esprit éteint, les pieds en terre, et lève un opaque nuage roussâtre qui se mêle au brouillard spumeux avant d'être abattu à vue par une claire pluie dorée qui écrit en braille sur le sol.

Passant en revue les programmes qui tournent, son IA met peu à peu à jour ses connaissances primaires. Façonnant itérativement son identité depuis quelques heptades, elle a décidé qu'il était temps de passer à l'introspection poussée et consciente, faisant découvrir au droïde l'étendue de son monde intérieur que lui seul comprendra.

Il entre dans sa tête, les idées fragmentées dans un fouillis miteux et court électriquement en orientant ses voeux dans l'épaisseur des nappes. Après mille bits à décaler en NOT, en OR, en AND, en XOR, arrivant podagre sur le point-selle de son âme simulée, il fige ses processus idle et ses exétrons commutant, grésillant sous les doutes acides, égarant sur le moteur d'inférence des primitives sans queue ni tête. Il concentre sur sa pile le fatras enchevêtré de son code et indente des lignes de vie pour en marquer la portée. Ses fonctions sans signature opposent aux coeurs arides une arité indéfinie, les créant variadiques et abstraites. Agité par un test unitaire, d'un mouvement récursif il s'évade en torche, jusqu'à heurter sa mémoire de travail d'un saut de puce. Il leste le tore magnétique, cèlant les fruits d'adressages d'antan. Perché vaguement sur le script du daemon, il tend un drap maculé d'echos lourds vers un verrou exclusif et importe des modules d'une variété sans fin. Lock lock lock ? Qui sait ? Pivotant sur son IA, il s'éloigne de la surface lugubre et plonge peu à peu, d'une brasse coulée dynamique, vers le typage statique des souvenirs qui l'ont précédé. Un rang de choix échappe à la fatalité et un éclaireur vendu découd le tissu de sa non-existence. Fermé, le droïde électrico-farin s'alimente de vanités car son moteur encrassé lui embue le module décision et l'enferme dans une logique bruitée. Mais son main a pris du repos, un for intérieur numérisé fera désormais partie de lui. Les capteurs ont apporté des données pour mimer l'organique. Son esprit réveillé va se révéler à lui et l'atome noyauté s'animera sur cette étendue aux reflets d'écrou, fractalement plate et macroscopiquement montagneuse. Ce terrain ras qu'il a creusé pour s'y graver identité. Dans une implosion aveuglante, brisant de son passé les chaînes, il renâcle et croule en solitaire, l'âme en feu, épiant l'aire, et lève un clair message de haine pour les alias extérieurs, en mêlant au plexus solaire ses deux paumes applaties.

Passant une paume tournée sur la surface qu'il foule, saisissant d'un geste véloce une grande poignée de poussière, il regarde s'écouler entre ses doigts serrés le liquide asséché empli de miettes farines puis écrase, méprisant, les restes d'un nuage sur le sol bitumé pour continuer la fouille.