Recherche

EDC de 11441

Bienvenue sur les EDCs de Dreadcast
Vous trouverez ici tous les articles rédigés par 11441

Cacher

La roue tourne. Encore. Et encore. Et encore.

Un nouveau jour, dans une cité intemporelle. Le son répétitif et strident enclenche la routine, comme chaque matin éternellement gris. L'odeur du tabac froid progressivement recouverte de celle de cafey amer, mais chaud. Le grésillement de la première cigarette effleurant à peine le silence pesant, que même l'imperceptible grincement des prothèses mécaniques ne vient pas briser. Sa réflexion dans le miroir ébréché, voilée par la fumée. Le geste exercé par des centaines, des milliers de répétitions, qui cache à la vue du monde sa tête nue, son visage marqué et les cicatrices recouvrant son torse, seuls indices du temps qui passe. Toujours le même sourire imperceptible devant l'évident échec du clonage tout puissant, mis en déroute par l'esprit intangible et souverain.
Il sort, accueilli par une chape de plomb, engourdi par l'apathie ambiante que seul l'écho de la mort vient encore troubler. Il erre d'un pas régulier, constant, lourd. Puis soudain, il s'arrête. Face contre ciel, les yeux fermés, il la sent tourner. La roue, le cycle. Irrémédiablement, entraînant la chute des puissants, propulsant les anonymes vers les hautes sphères, donnant une impression de changement, de direction. Il rouvre les yeux, pris de vertige. Il observe l'illusion finement construite, à la recherche d'une faille à exploiter. Il arpente les rues, les rades. Écoutant, scrutant, à l'affût d'une réponse, mais n'entendant que la lassitude, ne voyant que l'ignorance béate de cette légion d'écureuils marchant à l'unisson pour entretenir un mouvement perpétuel.
Parfois il pense tenir la réponse entre ses doigts sans vie, seulement pour la voir lui échapper une fois de plus, comme s'il tentait de s'agripper au brouillard. Il use les comptoirs, cherchant le but de cette mascarade dans les interactions des créatures parfois grotesques qui peuplent cette ville. Alignée face à lui, une brochette de zombies aux yeux vitreux rivés sur leurs verres, anesthésiés, amorphes, pas plus dérangés par les gloussements baveux d'une godiche à la tête vide que par les gargouillis sanglants de la Kobolde qui vient de perdre la sienne. Un coup d'épée énergétique, sec et net, inattendu, emplissant l'atmosphère d'une odeur d'ozone. La godiche continue de lâcher son flot d'inepties, les comateux ne bougent pas un cil. Il regarde le Troll à l'autre bout de l'épée, sans comprendre le sens derrière l'acte, la fonction. Il fusille du regard l'Elfe qui n'en finit pas de minauder, indifférente au décès provisoire de sa cliente. Il ressent le besoin, la pulsion de la faire taire définitivement, ne sachant que trop bien que comme la Kobolde un autre de ses clones, encore plus agaçant que les précédents, sortira du Centre en un rien de temps. Sous son vieux trench, sa main relâche la poignée de son vieil Eagle. Même ce qu'on appelait la mort n'a plus de fonction. Alors, comme les autres, il hausse les épaules et va traîner sa carcasse ailleurs, conscient que le même spectacle grand-guignolesque l'attend où qu'il aille. La réponse était pourtant claire : il n'y en a aucune.
Il sort, accueilli par une chape de plomb, engourdi par l'apathie ambiante que même l'écho de la mort ne trouble plus.

Informations sur l'article

Éthologie
24 Janvier 2013
861√  6 4

Partager l'article

Dans la même categorie

◊ Commentaires

  • Manerina~6356 (1567☆) Le 25 Janvier 2013
    Pourquoi écris tu si rarement, c'est tellement dommage quand on a une plume comme la tienne...
  • Lyak~27932 (17☆) Le 25 Janvier 2013
    Je suis du même avis que Manerina.
  • L-X~19531 (1540☆) Le 25 Janvier 2013
    "La réponse était pourtant claire : il n'y en a aucune." Encore un frisson, un petit pli amer au coin de la bouche, un soupir lourd...