Je vous décris l'tableau: Un appartement aux murs nus et immaculés sur lesquels repose par lamelles la lumière froide et statique de l'aube naissante. La pièce est visiblement neuve - on ne se préserve jamais longtemps des mains grasses et sales des travailleurs de DreadCast. Elle pourrait paraître inhabitée: l'éclairage est inachevé et elle n'est parée d'aucun meuble, hormis... hormis si l'on regarde bien d'un paravent. Et si l'on en fait le tour, on trouve, posé à même le sol, un matelas, et sur ce matelas, se trouve une femme. Elle est assise, immobile et nue, les yeux entrouverts, les traits tirés et la peau collante de sueur. Elle regarde sans voir devant elle, avec l'esprit embrumé de quelqu'un qui a renoncé depuis longtemps à trouver le sommeil. Entre ses deux lèvres charnues pend mollement une cigarette. Le cendrier est plein . Une odeur de tabac froid flotte dans la pièce. Son visage durci trop jeune par une existence dure porte les marques de l'insignifiante et absurde condition humaine. Sa beauté se meurt, mais elle n'en est que plus exceptionnelle. Demain moins belle qu'aujourd'hui, aujourd'hui moins qu'hier, elle frappe comme ce qui est encore mais ne sera bientôt plus. Elle passionne comme cet instant dont on entrevoit la fin.
Elle, c'est Emma.