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Des mains dans l'ombre

Ce soir-là, sans même savoir pourquoi, il prit ces deux morceaux de bois, disposés en croix, attaché les fils de nylons, et commencé à bouger le petit être avec attention mais, non sans maladresse. Les gestes étaient empruntés, par moments ratés, la marionnette obéissait, docile, aux intentions de son maître qui ne savait pas encore, s’il l’animerait bien longtemps.
Curieux, le joueur, derrière, prenait goût à voir se mouvoir le petit personnage, presque un alter ego, comme un pion qu’il avançait sur l’échiquier d’une vie qui s’ouvrait devant lui.
Se piquant au jeu, il prenait plaisir à faire vivre le petit être au bout de ses fils, il se surprenait à y passer des heures, contre toute attente, peaufinant sa gestuelle, gagnant en dextérité. Il était ému des émotions qui animaient sa figurine, au contact des autres, il se surprenait à sourire à ses joies et éprouver ses colères. Il en versa même des larmes inattendues, quand bien même la raison lui soufflait que ce n’était rien de plus qu’un petit personnage qui se mouvait au gré du jeu de ses doigts.
Car une autre silhouette était venue, là à ses côtés. Petit à petit, il entreprit de mêler leurs jeux, d’abord à distance, puis le temps passant, de plus en plus près. Les fils de nylon s’étaient même noués, croisés, devenant presque indissociables.
La poupée blonde de plumes parée, l’entrainait dans son jeu, elle le suivait dans le sien, les mouvements de concert dans une danse dans laquelle il prenait, peu à peu de l’assurance. Elle était d’un dynamisme charmant, et d’une profondeur rare. Elle était attachante, Ô combien, un coeur gros comme ça, et il se sentait fier, comme honoré, qu’elle l’invite dans sa danse.
Ils allèrent jusqu’à se dire « oui », dans un moment d’une émotion qui fut tout, sauf une fugace envolée virtuelle.
Il voulait en devenir acteur plus habile encore, maniant les fils avec attention, tissant autour d’eux comme une bulle, dans ce petit monde, si dur, si singulier, si passionnant, si insupportable parfois.
Et pourtant il était là, elle était le fil, rouge cette fois, de son existence qui habitait ses éveils et qui était son dernier sourire avant de fermer les yeux. L’ultime raison d’être, et l'étincelle qui animait l'impatience de le réveiller de son virtuel sommeil.
Elle était son moteur, son désir de devenir meilleur ; à son contact, le petit personnage apprenait, ses émotions grandissaient, il partageait ses joies et ses peines. Et lui, dans l’ombre, sa croix de bois dans la main, ne comptait plus le temps qu’il lui dédiait, sans même le voir passer. Les danses de ces deux êtres, intenses de complicité, était un spectacle qui le ravissait.
Parfois même, il avait l’impression que c’était eux, pourtant si fragiles, si impalpables, qui les tenaient.
Hi-er-elle, avant tout. Oui, mais la retrouver, encore demain….
Ils leur firent vivre des aventures passionnantes, surmonter des dangers, subir la violence, la bêtise parfois, faire de belles rencontres, partager des peines et des rires, trimer dans la poussière, s’investir inconsidérément pour un monde animé de fils de nylons, et pourtant si vivant et si profond.
Un monde où bien d’autres fils se nouaient, se dénouaient, se déchiraient ou se liaient. Disparaissaient, pour mieux renaitre, ou parfois pour ne plus être.
Ce monde-là, ce n’était pourtant que ça… Et malgré tout, c’était en vrai, tellement tout ça.
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Plus d'un an de vie, et en occasion, cette réflexion en forme de petit texte, un écho à cette vie si singulière dans laquelle certains se reconnaitront peut être!... Mais surtout un sincère hommage à celle qui lui, et me, donne tant. Merci à toi, jd Enaya!

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Pensées
04 Juin 2021
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