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XIV. Un terrain d'entente
« Que faites-vous ici ? »
Sa voix m’a tirée de mes pensées.
J’étais encore là, immobile devant cet édifice qui semblait m’absorber jour après jour. Que faisais-je ici ? C’était une question que je me posais aussi. Que cherchais-je, à contempler ces murs usés, témoins de mille vies, de mille secrets ?
Peut-être étais-je en quête d’une réponse, ou simplement d’une résolution.
Ce bâtiment, massif, imposant, m’avait toujours attirée. Il semblait abriter plus que de simples souvenirs. C’était une porte vers un autre temps, un autre monde. Et moi, je me tenais là, à la croisée de deux époques, indécise, enchaînée par les ombres de ce passé que je n’étais pas encore prête à affronter. Doum. ~ ~ ~ Doum.
« Décidément ! Vous allez user ce bâtiment à force de l'observer, Medea. »
Une voix familière, teintée d'ironie, me ramena encore une fois à la réalité. Oui. Je savais que je passais trop de temps à l'admirer, comme si en l'observant assez longtemps, il finirait par me révéler ses secrets. Chaque fissure, chaque pierre abîmée me parlait d'un temps où cet endroit résonnait de vies disparues.
Je pouvais presque entendre les rires, les chuchotements dans les couloirs abandonnés, les éclats d'une époque révolue. Mais ces échos étaient aussi des chaînes.
Mon cœur se serrait à l'idée de le perdre. De le voir disparaître sous la force de mes propres ambitions. C'était peut-être un fardeau trop lourd à porter. Un sacrifice que je n'étais pas encore prête à faire. Doum. ~ ~ ~ Doum.
« Pourquoi cet endroit est aussi important pour vous ? »
Pourquoi ? La question résonna longtemps en moi. Comment expliquer que cet endroit m’avait vu naître, non pas dans la chair, mais dans l’âme ? Chaque coin de ce bâtiment portait en lui un morceau de mon histoire. Des souvenirs, des promesses non tenues, des rêves autrefois possibles. C’était ici que tout avait commencé. Ici que mes désirs avaient pris forme pour la première fois.
Et pourtant.
Je savais que pour avancer, je devais laisser tout cela derrière moi. L’endroit importait, certes. Mais il n’était qu’un symbole. Et les symboles doivent parfois être détruits pour que de nouvelles vérités émergent.
Ce bâtiment était à la fois mon sanctuaire et ma prison. Doum. ~ ~ ~ Doum.
« Si vous le souhaitez, je peux tenter d'obtenir le bâtiment. »
On me proposait la solution. Le bâtiment pouvait être à moi, acquis, sécurisé. Et avec lui, je pouvais conserver tout ce qu’il représentait. Mais à quel prix ? Si je le possédais, serais-je vraiment libre ? Ou serais-je condamnée à errer entre ses murs pour toujours, cherchant des réponses à des questions qui n'existaient plus ?
Le plan que je portais en moi exigeait plus que la possession de cet espace. Il exigeait un sacrifice. Pour avancer, je devais être prête à abandonner une partie de moi-même. L'ironie de la situation me frappa : acquérir ce bâtiment, c’était renoncer à la plus grande vision qui m'attendait au-delà de ces ruines. Doum. ~ ~ ~ Doum.
« Détruisons-le. »
Le mot fut prononcé, définitif, lourd de conséquences. Mon cœur se serra une dernière fois. Détruire ce bâtiment, c’était effacer une part de ce que j'avais été. C’était accepter que pour construire ce qui devait venir, il fallait d’abord raser ce qui était. Le passé devait céder la place à l’avenir.
J'avais hésité longtemps, bien trop longtemps. Mais la décision était prise. Le dessein était plus grand, plus vaste que mes états d'âmes. J’avais besoin d’espace pour déployer mes ailes. Et cet endroit, ce bâtiment chargé de mémoires, ne pouvait plus me retenir. Il devait disparaître pour que quelque chose de nouveau, de plus grand, puisse prendre vie. Doum. ~ ~ ~ Doum.
« Il y a des secrets que même les murs ne devraient pas entendre. »
Ces mots résonnèrent dans l'obscurité grandissante autour de moi, comme un écho funeste. Je les avais ignorés longtemps ces avertissements, ces murmures dans les ombres. Mais en détruisant ces murs, c’est bien plus qu’un simple édifice que je réduisais en poussière. Une barrière avait cédé, une limite qui n’aurait jamais dû être franchie.
Sous les fondations, la terre semblait vivante, imprégnée d’un passé que je n’avais pas compris, ou peut-être que je refusais de comprendre. Chaque coup porté contre ce bâtiment réveillait des souvenirs plus anciens que les miens, des souvenirs faits de rituels oubliés, de prières murmurées dans la pénombre, de sacrifices faits en secret. Et maintenant, tout cela revenait à la surface, comme une marée sombre prête à engloutir le présent.
L’espace qui devait servir mon plan, ce projet si grand, si ambitieux, se métamorphosait lentement. Ce n’était plus un simple lieu destiné à des ambitions politiques ou économiques. C’était devenu une offrande, un autel. Quelque chose d’inhumain, d'ancestral attendait là, sous la surface. Quelque chose qui exigeait du sang. Les murs eux-mêmes semblaient suinter, comme s’ils avaient soif de ce qui allait venir.
Je réalisais alors que ce bâtiment, ces pierres imprégnées de douleur et de secrets, avaient toujours été destinées à ce destin sanglant. Ce lieu deviendrait le cœur sombre de son dessein, un point de convergence où tout serait sacrifié pour que Sa vision puisse s’accomplir pleinement. Ni coïncidences, ni hasards : tout n’était que le début d’un projet plus vaste, dont nous n’étions que les instruments. Ce n’était plus un choix. C’était une obligation. Des sacrifices seraient faits ici, dans l’ombre, là où personne ne pourrait les voir. Car pour créer un avenir, parfois, il faut d’abord nourrir les ombres qui le précèdent.
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Réminiscences
08 Janvier 2025
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