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VIII. Le temps est un maître exigeant.

VIII. Le temps est un maître exigeant




Il était une fois un groupe de personne. De ceux qui voulait un monde meilleur. Des vieux et des jeunes. Des combattants et des scientifiques unis dans une même cause : que la vérité éclate enfin.
Et pourtant.
Ce soir, une légère pluie maculait sa tenue. L'imbibant d'humidité jusqu'à l'os tandis que ses pas la conduisait machinalement sur un chemin oublié de tous, ancré au plus profond de la cité. Dessiné par l'Empereur lui-même.


Activation du groupe D.
Au-delà, seul l'Empereur pourra leur accorder Sa grâce.
~ ~ ~
Une voix rauque, se répercutant contre les épais murs en béton. Les circonstances de cette rencontre était bien particulière. N'étant plus que deux, inutile de cacher ce secret-ci.

- Qu'en est-il de l'élevation 1.0 ?
- Un échec. 17 sujets relevés sur 34. 3 étaient réellement digne d'intérêt.
- Et ces trois là ?

Un mouvement de main ganté esquissant un geste sans équivoque.

- Perdu à jamais. Lui est devenu fou, son corps, bien que là, est plus proche de la mort que de la vie. Une perd son intérêt pour la matrice, s'enfermant dans sa bulle mortifère. La pousser la rendra probablement folle. Et la dernière. Sa conscience est déjà vendue au plus faible. Elle n'a pas les épaules. Peu de chance qu'elle remonte la pente.


Dans ce taudis à la décoration spartiate, seul une simple table et deux chaises trônait sous une épaisse poussière, le tout faiblement éclairé d'une applique grésillante. Sur la table, un plan de construction à moitié déroulé. "Cognitae". L’Architecte lucide, au plan aussi difforme qu'asymétrique est mort depuis bien longtemps. Rêvant d'un lieu parfait en Son nom, un lieu à la symbolique équivoque.
Et pourtant.


Un geste d'impatience anime l'interlocuteur face à elle; un mouvement de main tripotant nerveusement le col de son trench à moitié ouvert sur une chemise impeccable lisse.

- Qu'en est-il des preuves ?
- L'électricité à un rapport de 7 sur 1. Les besoins vitaux, de 22 sur 1.
- L'orientation ?
- 17 sur 1.
- Nous y sommes pourtant. Que nous manque t-il ?
- Je l'ignore.


Tout y était. La pensée, le raisonnement, les preuves. Les regards fuyants, les murmures terrifiés. La présence souterraine, les cellules de renseignement ignorant jusqu'où remonte ces informations lâchés sur le ton de la confidence.
Et pourtant.

Elle n'aimait pas quand il prenait ce ton. Trop violent. Trop fou. Trop. Trop fanatique.

- Trop d'altruisme. Si nous avons raison, pourquoi nous évertuer à sauver tout le monde ?
- Il le mérite d'une certaine façon. Nous dev ...
- Non ! Non. Nous avons trouvé le chemin. Nous ! Pas eux ! Pourquoi les y emmener ?! Nous avons raison. Nous le savons. Les premiers à être parties doivent être avec lui depuis tout ce temps tandis qu'on végète ici, comme des moins que rien ! 6863. 2904. 8870. 7182. Penses-y. Toutes ces générations perdues à jamais. Il n'y a plus que nous deux, pourquoi s'acharner ?


Un raclement de gorge. Une main réajustant son masque avant de confesser, doucement :
- Elle est peut-être toujours là.
- Ici ou de l'autre côté, où est la différence ? Viens avec moi, accompagne moi dans le renouveau Medea. Tu l'extirperas de tes propres mains une fois là-bas.
- Je reste.


Son visage aux muscles figés se crispèrent un peu plus lorsqu'il tapa violemment du poing sur la table en rugissant :
- Damnée ! Voilà ce que tu seras jusqu'à la fin ! Une âme errante, connaissant la vérité mais se refusant d'être libre !

Elle l'aida pour ses préparatifs malgré tout. Aucun autre mot ne fut échangé entre eux. Des gants tremblotants effectuant ces gestes répétés mille fois. Non pas car elle avait peur d'échouer, non. Car elle allait se retrouver seule, encore une fois. Seule, avec son fardeau. Celui de mémoires centenaires résidant en elle. Des mémoires d'outres-tombes lui susurrant d'abandonner. De lâcher prise.
Et pourtant.

~ ~ ~
Elle laissa tomber un lourd sac noir au sol, venant s'ajouter au désordre ambiant. La pièce était jonchée de data-tablettes diverses, de blouse grisâtre roulées sur elles-mêmes et abandonnées où elles avaient été enlevées, de bottes, d'outils de toutes natures.
Elle se dirigea vers les placards en boitillant. Elle avait mal partout. En tendant la main pour ouvrir le loquet du placard, elle remarque que ses phalanges étaient complètement écorchées, littéralement pelées. Noires de crasses, couvertes de sang séché, la peau calleuse, arrachée. Elle avait vraiment besoin d'une douche.

Elle leva la main gauche et la plaça à coté de la droite. Son doigt manquant lui parut choquant, une véritable injure, un manque outrageant. C'était ironique quand on y pensait. Autrefois, ce doigt avait été l'instrument de son insulte préférée. A présent, c'était son absence qui lui semblait obscène. Durant toutes ces foutues années, elle s'était faites tirer dessus, poignarder, laissée pour morte, changée de clone mais elle n'avait jamais perdu un seul morceau de sa personne. C'était comme un présage. Jamais elle n'avait eu besoin d'avoir recours à des prothèses. Elle pensait à son Ombre, raffolant du moindre gadget augmentée, remplaçant ou améliorant chaque parcelle de sa peau pour mieux s'interfacer avec la matrice.

Et puis, tout à coup, elle pensa à l'Ancien. Merde.

Est-ce que c'était comme ça que ça commençait ? Est-ce que c'était le commencement de la fin ? D'abord un doigt et puis après quoi ? Un bras ? Une jambe ? Un organe vital ?
Elle l'aimait bien ce foutu doigt. Il faisait partie de la liste de ses dix doigts favoris.

Elle attrapa un derme dans le tiroir, l'appliquant dans le creux de son coude droit avant de se servir à boire. Il lui fallut un moment pour trouver un verre et encore plus longtemps pour décider que ce verre n'avait pas réellement besoin d'être propre. En sirotant son alcool bon marché, elle tendit la main pour presser le bouton du digicode à côté de la porte. Il ne se passa rien. C'était donc à cela que lui servait ce doigt. Elle utilisa l'un des doigts qui lui restaient et le bruit caractéristique du changement de digicode emplit la pièce.

Au bout de plusieurs cyclo-minutes à renauder tout haut, elle se leva pour prendre un bidon poussiéreux. En le soulevant, l'odeur caractéristique du 4095 empli la pièce tandis qu'elle en déversait le contenu ci et là, insistant sur l'amas de data-tablettes et de livres. Le sol se fit glissant, l'odeur ambiante difficilement respirable.

Elle pouvait s'arrêter là. Reprendre les travaux et continuer seule. Recruter et relancer l’élévation 2.0. Ou bien simplement tout laisser ici en l'état et faire un pas vers le Renouveau, elle aussi. Espérant que quelqu'un d'autre, à un autre temps, reprendrait le flambeau.
Et pourtant.


Le temps est un maître exigeant.
Si vous ne savez pas profitez de chaque seconde,
alors vous n'en méritez pas une de plus.


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Contenu HRP.

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