EDC de Chlore

Une nouvelle musique, toujours le même piano. Une nouvelle journée, toujours la même cyborg. Son troisième jour de vie qui démarrait, apparemment. Encore toute fraîche… Surtout avec une bonne douche. Elle avait profité que les jeunots roupillaient pour squatter la salle de bain un peu plus longtemps, et s’était adossée à la paroi vitrée, toute embuée à cause de la chaleur de l’eau. Pourtant, elle l’avait coupé quelques minutes auparavant, déjà, mais la vapeur continuait de s’élever du carrelage sous ses pieds. Pendant un instant, elle se demandait même si ce n’était pas elle, qui fondait. Enfin, ses quelques parties de peau synthétique, en tout cas. Mais non, pas de fonte à déclarer.

• ♫ Mh-hm, mh-hm-mh-hm… ♪

Elle s’était mise à fredonner, sur le même air que celui qui passait dans sa tête, accompagnée par les clapotis des gouttes d’eau, coulant le long de son corps et tombant de ses mèches bleutées. Au final, elle en avait peut-être trouvé un, de piano. Et avec un peu de chance, elle poserait toutes les mélodies qui lui trottaient dans le crâne sur de vraies touches, aujourd’hui. La patronne de son bar favori lui avait gentiment proposé l’accès à l’un de ses cercles, histoire qu’elle aille en jouer, et Chlore aurait volontiers sauté de joie, si elle n’avait pas un minimum de retenue.

Elle passait de bons moments, dans ce bar. Entre les consos’ gratuites qu’elle grappillait de ci de là, les discussions enjouées, les nouvelles rencontres, les cafeys avec ses deux protégés et ses lectures, elle s’y plaisait. Ce n’était ni trop calme, ni trop bruyant : assez vivant pour voir de nouvelles têtes, assez détendu pour lire en toute sérénité. Bon, si on exclut la fusillade de l’autre jour, à laquelle elle regrettait de ne pas avoir assistée. Et les remontages de bretelles qu’elle faisait aux jeunes. Ainsi que le « M’sieur Déductions », qui l’avait fait rater quelques lignes de son traité de cybernétique. Ça l’avait largement amusée, d’ailleurs, qu’elle se retrouve – vaguement – citée dans une annonce d’AITL. Puis elle était rentrée chez elle, et avait comaté pour le reste de la soirée. Trop de cafey dans le ventre pour bouger, ce soir-là.

Mais avant de se retrouver fusionnée au canapé, elle avait accompagnée l’Elfette au Centre d’Accueil, pour que celle-ci récupère enfin des vêtements plus potables que les fringues d’arrivée. La cyborg avait failli la perdre en route, mais l’Elfe semblait avoir un meilleur sens de l’orientation qu’elle, au moins. Et environ dix centimètres de haut en plus, aussi. Pas de quoi en faire une géante, non plus, mais elle était quand même un peu plus simple à repérer que Chlore. Surtout avec son look plus coloré, et ses jolis cheveux violet pâle. Et ce n’est pas l’androïde qui se plaindrait de cet avantage : après tout, elle aimait garder un œil sur les deux jeunes.

Pour l’instant, ses yeux étaient restés vagues. Elle était tombée en plein dans ses pensées, encore une fois. Et ce fichu piano n’arrangeait vraiment rien. Elle secoua la tête en un soupir, avant que la froideur de la vitre contre son dos ne lui rappelle qu’elle avait passé un peu trop de temps sous la douche, quand même. Elle commençait à être gelée, et sentit un frisson lui parcourir le corps, tendant ses muscles sur son passage.

• Brr…

Elle voulut entourer ses bras autour de son torse, pensant avoir au moins un peu plus chaud le temps de sortir de la douche, mais le contact de ses mains frigorifiées contre sa peau lui arracha presque un grognement agacé. Mauvaise stratégie. Elle fit une moue, sourcils légèrement froncés, et sortit enfin. Elle se rua sur la serviette posée sur le lavabo d’en face, et s’en emballa, tremblotante. Ouais, elle était fraîche. Trop fraîche même. Sans attendre, elle fila se réfugier sous ses couettes, chevelure détrempée mouillant son oreiller au passage, et se recroquevilla. Il fallait qu’elle aille bosser, et elle aurait aimé ramener le p’tit déj’ à l’Elfette et à l’humain, mais elle avait froid.

Trop froid.