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EDC de Ael~23566

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Sur ses cheveux argent, une pluie de sang

Il fait noir. Il fait nuit. Tu as les yeux fermés, mais tu le sais. Lentement, en clignant des paupières, tu perçois d'autres choses. Comme au sortir d'un long sommeil, l'engourdissement quitte tes sens. Tu prends conscience de toi. De la pluie qui s'abat sur ton visage. Elle ne disperse en rien le smog compact qui emplit la ruelle puante.
Tu ramènes ton bras vers toi. Tu observes tes mains. La droite. La gauche. Tu t'essuies vainement le visage. Présentement, tu es allongée dans une flaque, trempée dans un miasme putride que tu n'arrives pas à identifier. Ces odeurs sont nouvelles pour toi. Pourtant, tu arrives à les nommer alors que les relents âcres se jettent sur les parois de ta gorge.
Pourriture. Moisissure. Alcools. Urine. Acides. Tu dois dégager d'ici. Maintenant.
Tu bondis sur tes jambes, soudainement paniquée. Une autre odeur s'est démêlée des autres. Tu n'aimes pas ça. D'où vient-elle ? De devant toi ? De derrière toi ? Non. Tu t'es retournée, il n'y a ri-. Oh merde.
Un méta-humain. Un méta-humain qui de ses pupilles vides fixe le néant. Un frisson te secoue. Il a été écorché à même le mur sale. Il a été crucifié sur place. Par une quinzaines de kanufs; tous enfoncés au minimum jusqu'au manche. Tu peux nommer ce parfum, désormais. C'est le parfum de la mort. Une mort récente. Il y avait quelque chose de tracé sur le torse désormais privé d'écailles. Trop dilué par la pluie pour le déchiffrer, tu restes quand même fascinée par ce morbide spectacle.
Ça et là, des spasmes l'agitent encore. Est-il vraiment mort ? ... Non.
Non, il est encore en vie. Sa respiration sifflante, étouffée, est presque imperceptible. Tu t'en approches encore. Une sombre envie s'agrippe à ton esprit. Prend son dernier souffle. Il est à l'agonie. A ta merci. Il a souffert et souffre encore. Tu n'as pas envie de le soulager. Tu as mal aux joues. Sûrement le sourire malsain qui étire tes traits depuis quelques minutes, déjà.
Du bout de l'index, tu suis la ligne de ses muscles. Il frémit, son râle se fait plus lancinant. Sa plainte résonne silencieusement dans tes oreilles, alors que tu redresses lentement ton regard sur son visage tordu par la douleur. Il plaide coupable dans un grommellement rauque, il babille la gorge sèche alors que son corps est lavé de son sang. Il pleure son impuissance, cloué sur le béton et fouetté par le ciel, interrompu net par le claquement du tonnerre au dessus de vos têtes. Il supplie pour la délivrance que toi seule pourrais lui offrir.
Une délivrance que tu n'es pas encline à lui donner. Pas tout de suite.
Tu arraches sans douceur la lame plantée jusqu'à dans son genou. Il hurle en silence, étouffé par son propre martyre. Si vulnérable, si faible. Tu le plaindrais volontiers... Si tu n'étais pas si absorbée par la contemplation de ses plaies. De la pointe du kanuf, tu commences à caresser les muscles à vifs. Les chairs semblent s'agiter, se réveiller sous ton passage. Gueule béante, l'écailleux voudrait se débattre, voudrait au moins appeler à l'aide. Mais vous n'êtes que tous les deux. Tête à tête sanglant. Son regard s'illumine. Vain retour de flamme. La pointe appuie sur son nombril. Il se fige. Il se fige et te fixe. Combien de secondes s'écoulèrent alors ? Tu ne sais pas.
Ce que tu sais, c'est qu'il ressent pleinement la vie. Cette même vie qui s'enfuit lorsque tu plantes le kanuf dans son ventre avant de monter, monter, monter le fil jusqu'à son plexus. Il veut tousser, il veut se tortiller. Il veut que tu arrêtes. Le naïf. Il ne se voit pas comme toi tu le perçois, à cet instant.
Ce n'est qu'un sac de viande. Une baudruche de chaires, d'os et de sang. Ce même sang qui coule dans tes veines et t'éclabousse en à gros bouillons. Pourquoi ? Pourquoi faire cela ?
Parce que tu le pouvais. Et parce que lui non.
Même ses viscères veulent le quitter. Pareils abats ne veulent même pas côtoyer cette dépouille incapable. Tu ne cilles pas. Tu crois l'entendre parvenir à jurer. Peut être. Tu t'en fous. Il Te regarde, vraiment. Comme s'il comprenait enfin que ce n'était pas la fatalité qui venait d'en finir. Mais bien un autre être vivant. Ses yeux s'éclairent, s'embrasent ! Ils sont d'un orangé profond, presque rouge, flamboyants. Ils te jurent milles et unes souffrance. Qu'il est con. Tu en as assez. Tu grimpes sur la benne à ordures qui le flanque. Dans ses derniers instants, il fulmine, il enrage. Tu souris en coin, satisfaite. Dans ses derniers instants, il dégage tant de haine qu'il en a oublié sa douleur et son humiliation. Mais c'est déjà fini. Tu arraches le kanuf de son thorax.
Tu perfores son crâne entre les deux yeux. Le sang gicle sur ton visage, barbouille tes traits, te rend méconnaissable. C'est fini. Pour lui. Et ça commence, pour toi. Car à l'instant où tu détournes le regard, c'est à ton tour de te figer. On t'a vu faire.
Ni toi ni elle ne bougez. Le temps semble s'être suspendu. Le flash d'un éclair te permet de voir son visage. Tu crois que tu souris. Pour la première fois, tu peux clairement discerner la couleur de tes iris dans l'améthyste perçant des siens. Un gris de fer. Un gris d'acier. Un gris d'argent. Tu ne sais pas ce que l'avenir te réserve et tu t'en fous. Un seul bruit s'échappe de ta gorge alors que sans la quitter des yeux, tu redescends sur terre, tes pieds nus foulant la boue sanglante. Un bruit rauque, annonciateur de bien des choses...
Krkrkrkr ~ ♫
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Syllanh

Informations sur l'article

Echos du passé
06 Février 2015
979√  7 2

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◊ Commentaires

  • Syllanh (222☆) Le 02 Avril 2015
    Mes hommages à notre première rencontre, mon Ombre.
    Mes hommages, à celle qui sera notre dernière.
  • Ryu (34☆) Le 30 Juin 2015
    une p'tain d'ambiance... j'adore ! *